Raoul Mac Leod
1907, Vendôme (Loir-et-Cher) – 1936, Berk sur Mer (Pas-de-Calais)
Pilote de Breguet XIV
L’Espace Aéronautique Culturel est très honoré de compter parmi ses membres le petit-neveu d’un pilote de Breguet XIV au sein l’Aéropostale au tournant des années 1930 ! Le carnet de vol dont nous disposons retrace l’essentiel de ses vols civils et donne des indications très intéressantes sur ce que pouvait être une carrière de pilote de transport à cette époque. Comme le dit L.P. Hartley au début de son roman The Go-Between : « The past is a foreign country; they do things differently there »1.
Raoul Mac Leod est breveté pilote militaire en septembre 1926 puis pilote d’avions de transport public en mai 1928. Son carnet de vol débute le 11 juin 1928 par un vol de 3h40 Paris-Londres sur un Farman Goliath, alors qu’il avait 153 heures à son actif. Suivent alors une série de vols Londres-Paris et Paris-Londres sur Goliath et Lioré et Olivier. Il est donc employé sur cette ligne. Il vole également sur Breguet et Berline SPAD. On trouve aussi quelques vols Paris-Lyon, Paris-Marseille et Lyon-Marseille.

Toutefois, le 10 décembre 1928, on trouve un vol d’entraînement à Toulouse sur Breguet 14 A2 : il a changé d’employeur pour entrer à l’Aéropostale alors qu’il a un peu plus de 300h de vol. Il a donc volé environ 150h en 6 mois, soit une moyenne de 25h par mois !
Le 15 décembre, on trouve un vol de 4h05 Toulouse-Perpignan en Laté 25 avec la mention « vol de reconnaissance ». Le même jour figurent un vol Perpignan-Alicante de 3h55 avec le même Laté 25, puis 4h10 en Laté 26 Alicante-Tanger : 12h10 dans la même journée, ça démarre fort ! Le lendemain, il poursuit ses reconnaissances vers Rabat et Casablanca, et le surlendemain, direction Barcelone en Laté 25 pour revenir à Toulouse le 18 : en tout, 31 heures en 4 jours ! Rappelons qu’à cette époque, il n’y avait pas de pilote automatique et que les avions n’avaient pas les qualités de vol d’un DR400 d’aéroclub : on pilotait chaque minute intensément d’un bout à l’autre. Mais il avait 21 ans : on récupère vite à cet âge !
Mais pas de vacances de Noël pour le jeune pilote : il fait des vols d’entraînement les 19, 21, 24, 26, 27 et 28 décembre sur Breguet et Laté 17. Il ne faut pas perdre de temps…
À partir de janvier 1929, des vols pour Perpignan, Marseille, Montpellier ou Carcassonne s’enchaînent principalement en Breguet et Laté 25. En avril, commencent à apparaître Barcelone et Alicante, puis Malaga. Quelques vols de nuit sont mentionnés, ainsi que quelques entraînements Toulouse-Toulouse sans visibilité. Des vols avec passagers, jusqu’à 4 en Laté 25, sont notés.
La série Latécoère (ou Laté) 17, 25, 26 correspond à des variantes d’un monoplan à ailes parasol mû par un moteur Renault de 450ch. Vitesse : 170 km/h. Autonomie : environ 650km. Le Laté 28, qui prend la suite à partir de 1930, est plus grand, cabine fermée, avec un moteur de 500ch. Il est plus rapide avec 210 km/h en croisière. En mai 1930, Mermoz traversa l’Atlantique Sud en Laté 28 équippé de flotteurs.
On trouve le 6 septembre 1929 un vol de 20mn marqué « PSV2», en Breguet à Toulouse. La ligne suivante sur le carnet de vol indique un mois plus tard, le 7 octobre 1929, un grand changement : un vol de 3h15 en Laté 26 à Rio Santos avec la mention « Arrivée en Amérique du Sud » ! Il a, à ce moment, 640 heures de vol derrière lui. La liste des destinations s’enrichit rapidement : Florianopolis, Porto Alegre, Pelotas au Brésil, puis Montevideo en Uruguay et Buenos Aires, Santiago et Mendoza en Argentine. On note, le 17 octobre 1929, alors qu’il est en Amérique du Sud depuis une dizaine de jours, un Santiago-Mendoza de 1h15 en Laté 26 suivi d’un Mendoza-Buenos Aires de 5h50 dont 2 heures de nuit avec le même avion…

Son terrain de jeu se déplace au sud en Argentine : Bahia Blanca, Trelew en Patagonie, Rivadania aux confins des Andes. Bizarrement, on trouve la mention de quelques vols en Laté 28 : en principe, celui-ci n’est entré en service qu’en 1930.
Début 1930, il en arrive à 750 heures de vol et, en juillet, il atteint les 1000 heures, principalement en Laté 25, le Breguet, n’étant visiblement plus utilisé, ou seulement de façon marginale.

C’est alors le plein hiver austral en Patagonie, avec des vents violents, nuages bas et de fortes pluies : on trouve souvent dans son carnet les mentions « brume, pluie », des conditions de vol difficiles ! C’est alors qu’eut lieu le vol du 4 août 1930 avec le Laté 26 F-AILB raconté en détail par Jean Macaigne dans Le courrier de l’aventure. Macaigne était navigateur dans ce vol prévu de Pelotas à Porto Alegre en longeant la Lagoa dos Patos (la lagune des canards). Ils volaient juste sous les nuages à une centaine de mètres d’altitude, visibilité deux à trois kilomètres, vent faible. C’étaient des conditions considérées comme acceptables… L’avion se met soudain à descendre. Macaigne raconte :
« Les arbustes qui bordent le sommet d’une petite falaise sont frôlés par notre plan gauche ; nous ne sommes plus qu’à quelques mètres de l’eau verdâtre de la lagune, et l’accident apparaît inévitable. […]
C’est un choc d’une violence inouïe, qui abolit toute notion de durée, d’espace, d’équilibre ; puis un vide intégral, une expression de néant, moment durant lequel toute vie est suspendue »
L’avion a capoté dans l’eau, il est sur le dos ; Macaigne met quelques instants à réaliser qu’il faut sortir par le bas, alors que l’eau monte inexorablement pendant que l’avion s’enfonce ! Il se débat gêné par sa lourde combinaison de cuir, maintenant trempée qui s’accroche au moindre obstacle dans le fuselage :
« Je tire, pousse, donne de violents coups de pied et suis sur le point de suffoquer lorsque mes mains trouvent enfin le boulon coupable qui, au passage a accroché la ceinture de ma combinaison de cuir ».
Il finit par s’extraire.
Mac Leod, lui, est toujours coincé dans l’avion, en train de se noyer. Macaigne fouille dans la carlingue, finit par attraper un bras, puis trouve la ceinture qui lie le pilote à l’avion, le détache. Son corps tombe dans la vase et Macaigne arrive à le hisser sur la carlingue. Mac Leod reprend connaissance. Il s’enquiert du courrier et explique qu’il y a eu une baisse de puissance du moteur. À l’altitude où ils se trouvaient, il n’y avait bien sûr aucune échappatoire.
Ils mettent le courrier au sec.
Comme ils sont perdus au milieu de nulle part, il mettent plusieurs jours à trouver de l’aide et revenir à la civilisation.

Sur le carnet de vol de Mac Leod, l’événement est résumé par la mention : « panne de moteur». Il y a là une indéniable concision…

Puis les vols reprennent normalement.
Toutefois, les meilleures choses prennent fin un jour : son dernier vol sud-américain a lieu le 12 août 1930. Le vol suivant est un Toulouse-Barcelone en Laté 28, le 24 janvier 1931. En un peu moins d’un an, il a volé 500 heures en Amérique du Sud.
Puis les vols reprennent normalement.
Toutefois, les meilleures choses prennent fin un jour : son dernier vol sud-américain a lieu le 12 août 1930. Le vol suivant est un Toulouse-Barcelone en Laté 28, le 24 janvier 1931. En un peu moins d’un an, il a volé 500 heures en Amérique du Sud.
Se succèdent alors des vols entre Toulouse, l’Espagne et le Maroc, effectués en Laté 25, 26 et maintenant 28, ceci jusqu’au 27 septembre 1931 avec un Barcelone-Toulouse de 1h53 en Laté 28.
Il a alors 1466 heures et 22 minutes à son actif dont 74 heures et 13 minutes en vol de nuit.
Il effectue quelques vols militaires comme pilote de réserve à Chartres en Caudron C-59 et en Lioré et Olivier LéO-20 puis en Potez 25, Morane-Saulnier 181 et Hanriot 431.
Quelques repères historiques : 1919 – première tranversée de l’Atlantique Nord sans arrêt par Alcock et Brown en Vickers Vimy. 1921 – Adrienne Bolland traverse à 26 ans la Cordillère des Andes en Caudron G3. 1927 – premier New-York-Paris par Charles Lindbergh en Ryan Spirit of Saint Louis. 12-13 mai 1930 – Mermoz traverse l’Atlantique Sud en Laté 28.3 13 juin 1930 – accident d’Henri Guillaumet lors de sa 92ème traversée des Andes en Potez 25. 5 mars 1931 – mise en liquidation de l’Aéropostale
Son activité se poursuit à la Compagnie Aérienne Française (CAF), une compagnie de travail aérien basée au Bourget, connue pour offrir des baptêmes de l’air. Il vole essentiellement en Berline Nieuport-Delage 390 et 391. On trouve plus tard en 1933 des vols autour de Lisieux et Deauville en Potez 36 ou Farman 190.
Après cette période de plus d’un an avec une activité très réduite, les vols reprennent à partir de la fin 1933 sans jamais retrouver le rythme de l’Aéropostale !
On trouve de nombreux vols en Caudron Luciole ou Phalène, des avions qui n’ont pas grand-chose à voir avec les Laté ! Le carnet de vol s’arrête là. Raoul Mac Leod se tue dans un accident d’avion à Berk en décembre 1936 à l’âge de 29 ans. Une courte vie ! Il se trouve qu’il avait un frère qui eut une descendance : cela nous vaut ainsi l’honneur d’avoir un petit-neveu parmi les membres de l’Espace Aéronautique Culturel, l’association qui abrite un Br14, souvenir des débuts du grand-oncle Raoul !

1 « Le passé est un pays étranger ; on y fait les choses différemment ».
2 Pilotage Sans Visibilité