L’Armistice est signé à 5 h dans la nuit du 10 au 11 novembre 1918, dans le wagon bureau du Maréchal Foch à Rethondes. Une clause prévoit que le cessez le feu doit prendre effet 6 h après la signature, soit à 11 h le 11 novembre.

Pour cela, il faut porter le document au Quartier Général Allemand qui se trouve à 200 km, à Spa en Belgique. En effet, la hiérarchie militaire allemande ne donnera l’ordre de cessez le feu qu’après avoir vu le document signé.

Depuis 2 jours, le Lieutenant aviateur Gustave MINIER de l’Escadrille BR 35 avait été prévenu qu’il devait se tenir prêt pour une mission de la plus haute importance pouvant l’amener à transporter un plénipotentiaire ou des documents. Il devait désarmer son Breguet XIV et lui adjoindre des marques blanches dans les haubans en vue d’accomplir cette mission. Il est cantonné près de son avion sur le terrain de Tergnier à 30 km de Rethondes avec interdiction de quitter son poste, jusqu’à nouvel ordre.

Peu après 5h, le 11 novembre, son chef direct le capitaine Jacques BIGNON commandant l’Escadrille BR 35 reçoit un appel téléphonique auquel il ne répond que par « Ah, bravo ! » puis s’adressant aux pilotes qui sont dans la tente « C’est fini les enfants, l’Armistice est signé ! » et enfin s’adressant à MINIER « Un parlementaire allemand vient du Grand Quartier Général, vous partirez avec lui dès son arrivée, prenez vos dispositions. ».

Le capitaine allemand von GEYER arrive à Tergnier vers 7 h 30 porteur du précieux document, accompagné d’officiers français. Il porte sa casquette et a relevé le col de son manteau car il fait froid.

De gauche à droite, MINIER, de dos en combinaison de vol, au centre le capitaine von GEYER avec casquette et à droite le capitaine HELY d’OISSEL commandant le secteur aérien.

Il embarque à bord du Breguet XIV de MINIER et les deux s’envolent aussitôt en direction de Spa. Le temps est mauvais et rapidement MINIER doit voler assez bas du fait du plafond nuageux. Après environ 1 h de vol, et avoir rencontré un Breguet XIV qui ne s’intéresse pas à lui, il comprend qu’il n’est pas sur l’itinéraire prévu et qu’il est perdu…
Il se pose alors dans un champ près d’un village pour y demander la direction de Spa. Il re-décolle aussitôt en direction de Spa, en remarquant que son passager était très pâle.

Peu de temps après, des flammes rouges s’échappent du moteur qui perd de sa puissance. L’atterrissage est inévitable. Il se pose à nouveau dans un champ, essaie de redémarrer son moteur mais n’y parvient pas. Etant en territoire contrôlé par les forces allemandes, des troupes entourent cet étrange avion muni de draps blancs dans ses haubans. Le capitaine von GEYER se fait reconnaître et une voiture allemande l’emmène au Quartier Général Allemand où il arrive assez tôt pour que l’ordre de cessez le feu soit donné à 11 h. La guerre est finie.

Pendant ce temps, Gustave MINIER tente de réparer son moteur en se faisant aider de mécaniciens allemands et alsaciens et fait prévenir le Quartier Général Français de son infortune. Dans la soirée, il réussit à remettre en vol et à rejoindre la base de Morville où il passera la nuit près de son Breguet, sous bonne garde. Finalement il pourra rentrer le lendemain à sa base de Tergnier où tout le monde se demandait ce qu’il était devenu…

Le 14 novembre 1918, il reçoit une citation : « Excellent pilote et officier, s’est distingué le 11 novembre 1918 en emmenant par très mauvais temps un parlementaire ennemi dans ses lignes« .